Le scandale des décorations de 1887

Le 2 décembre 1887, le Président de la République française Jules GREVY démissionne à la suite d'un scandale sur des décorations. 


Alors que s'est il passé pour en arriver là ? 

Fin septembre 1887, Henriette Boissier, retirée depuis peu de la prostitution active en maison close, entre dans un commissariat parisien. Nourrissant un profond ressentiment à l'encontre des deux mères maquerelles (la dame Limouzin et la dame Ratazzi) sous la houlette desquelles elle a travaillé, elle se venge et raconte à la police que chez les tenancières, le commerce de charmes couvre en fait bien d'autres trafics. 
Convoquées par la police, les deux maquerelles doivent révéler à la brigade des mœurs, sous peine de fermeture de leurs établissements et d'emprisonnement, la nature de ces trafics. Elles reconnaissent ainsi que, dans le secret de leurs boudoirs, des personnalités négocient à prix d'or des honneurs. 



Le 29 septembre, le préfet de police, agissant en vertu de l'article 10 du Code d'instruction criminelle, ouvre une enquête. Celle-ci progresse rapidement et met en cause le général Caffarel accusé de monnayer des décorations militaires et de favoriser des concurrents dans l'attribution de marchés militaires. Convoqué par le préfet de police, Caffarel avoue. 
Le ministre de la Guerre, Théophile Ferron, qui a remplacé le populaire général Boulanger, préfère étouffer l'affaire en plaçant le général à la retraite anticipée, sans poursuites judiciaires. 

 Le scandale éclate le 8 octobre 1887 lorsque Le XIXe siècle (journal proche du boulangisme, et donc hostile à Ferron), sous la plume de Portalis, son directeur, révèle l'existence d'un trafic de décorations, sous le titre « La Légion d'honneur à l'encan ». 
Ce scandale, que la presse baptise « l'affaire des décorations », devient une affaire politique lorsque l'enquête révèle que le trafic de décorations est orchestré, depuis l'Élysée, par Daniel Wilson, député d'Indre-et-Loire et gendre du président de la République, Jules Grévy. 





Wilson a en effet utilisé son influence pour négocier des participations d'hommes d'affaires dans ses entreprises en échange de l'obtention de décorations. Il a revendu depuis un bureau de l'Élysée des milliers de décorations — notamment la Légion d'honneur pour 25 à 100 000 francs de l'époque — pour verser des subventions à des journaux de province. Parmi ses complices, on compte le général Caffarel, le général comte d'Andlau, sénateur de l'Oise, et les deux maquerelles qui ont fait les révélations à la brigade des mœurs. 

L'instruction, confiée à un juge réputé intègre, M. Atthalin, met également en cause des intermédiaires et rabatteurs louches des deux sexes, qui se retranchent derrière les deux personnages influents du trafic, le général d'Andlau et Daniel Wilson.

Procès 

A l’audience du 9 novembre 1888, un nouveau scandale éclata. Les lettres signées de Daniel Wilson trouvées chez la dame Limouzin avaient été remplacées par des lettres banales et très peu compromettantes. 
Datées de 1884, elles avaient été écrites sur du papier dont le filigrane prouvait que le papier avait été fabriqué à l’automne 1885. 
L’enquête qui suivit montra que la substitution avait eu lieu dans le bureau du préfet de police Gagnon. C’est certainement à la demande de l’Elysée que le préfet Gagnon avait recherché, soustrait et remplacé les lettres originales du gendre de Jules Grévy. 


                                                                Jules Grévy



Victime de son zèle, le préfet de police fut révoqué de façon brutale. Le même jour (9 novembre), le directeur du XIXe siècle qui avait lancé l’affaire fut cambriolé. Le lendemain, on tenta de l’assommer dans la rue. Un ancien préfet de police affirma que l’auteur de cette agression « Pourrait bien être le directeur de la sûreté générale ». On comprend mieux pourquoi la presse trouva quelques « errements » dans la conduite de l’enquête durant les deux premières semaines quand la police fit le rapprochement entre ce qu’elle croyait au début être une escroquerie faite par une petite officine et les activités connues du gendre du Président.
En voulant atteindre le général Boulanger au travers du général Caffarel (Connu pour ses sympathies bonapartistes) en lançant l’affaire dans le journal Le XIX siècle, les républicains au pouvoir ont fait vaciller le régime parlementaire tout juste consolidé !


Le gendre du Président de la République comparut devant la justice le 16 février 1888. Le 2 mars, il fut condamné pour escroquerie à deux ans de prison, trois mille francs d’amendes et à la privation de ses droits politiques pendant cinq ans. 


 En appel le 27 mars, il bénéficiait d’un acquittement, attendu, spécifiait l’arrêt « Qu’il n’y a pas eu promesse ferme pour une époque déterminée d’une croix dont on se targuait de disposer, alors qu’en réalité on n’en disposait pas. ». Il y a des erreurs qui libèrent les coupables, mais déshonorent les juges ! Daniel Wilson reprit sa carrière politique : Il ne se présenta pas aux élections de 1889 ; fut élu député de Loches par plus de 2 000 voix de majorité en 1893 ; invalidé en février 1894 ; triomphalement réélu en mai 1894 et aux élections suivantes. 

                                                        Daniel WILSON

En 1902, il ne se représenta pas et mourut le 13 février 1919… sa disparition passa inaperçue. La seule victime politique de cette affaire fut son beau-père, Jules Grévy, qui démissionna de son poste de Président de la République le 2 décembre 1887, après avoir opposé une résistance désespérée durant 15 jours. 




Ce dernier était brocardé par les chansonniers « Ah ! Quel malheur d’avoir un gendre ! ». Ce qu’on peut lui reprocher est d’avoir soutenu son gendre jusqu’au bout et d’avoir fait substituer deux lettres trouvées chez la dame Limousin écrite de la main de Daniel Wilson. L’annonce de la possible élection de Jules Ferry pour le remplacer conduira à des manifestations importantes des parisiens ! Le constat de l’absence de loi interdisant ce type de trafic va conduire à la création d’une incrimination nouvelle : Le trafic d’influence.




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